Tendances actuelles du jeu sur terre battue

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Depuis le milieux des années 80, le jeu sur terre battue, alors essentiellement tourné vers la défense, la régularité, s'est orienté vers une puissance de plus en plus grande. Alors que les cogneurs, les bûcherons, étaient une catégorie minoritaire parmi les joueurs de terre battue (plutôt dominée par les lifteurs réguliers), ils ont été les seuls à passer le cap des années 90. Et non seulement, il n'y a plus qu'eux désormais sur terre battue, mais encore, leur puissance à encore légèrement augmenté par rapport aux cogneur qu'on pouvait rencontrer dans les années 80 (comme Muster).

Il faut dire que le nombre de tournoi sur terre-battue s'étant réduit, le jeu purement de terre battue est devenu moins rentable pour les joueurs. Il est plus intéressant de posséder un jeu plutôt orienté vers l'offensive permettant de faire de bonne performances sur les surfaces rapides. Mais Lendl était capable de changer son jeu selon la surface, alors que les générations actuelles jouent toujours quasiment le même jeu que ce soit sur terre battue ou synthétique. Résultat, elles ne sont bonnes ni vraiment sur synthétique, ni vraiment sur terre-battue.

La puissance est devenue, dans l'esprit des joueurs, un élément incontournable sur terre battue. Depuis le début des années 90 et des joueurs comme Courrier, le jeu type sur terre battue n'évolue plus. D'ailleurs, en parlant de jeu type, en fait, tous les joueurs de fond de court se ressemblent plus ou moins. C'est le modèle Agassi, Courrier, Kuerten, etc… Les joueurs plutôt spécialisés surfaces synthétiques ont une sécurité moins haute par rapport au filet pour avoir plus de puissance et la lift un tout petit peu moins, les joueurs plutôt spécialisés terre battue envoient la balle plus haut et lift un peu plus.

Cette évolution a paru logique. Elle a semblé à tous la meilleure. Mais en fait, il me semble qu'elle a entraîné toute une génération de joueur en dehors du jeu optimum dont la voie était tracée par Borg et Lendl au début des années 80. Au lieu de ça, a été choisi un jeu sous optimum dont l'exemple était Muster, dont le palmarès montre clairement qu'il était inférieur à celui d'un Lendl. La voie Vilas/Wilander (mais aussi, à un moindre niveau Nyström), sous optimum également, ayant elle, été abandonnée totalement, comme je l'ai souligné plus haut. En fait, certain on choisi une voie intermédiaire entre Lendl et Muster, mais étant plus près de Muster que de Lendl.

On arrive donc, désormais à un jeux type Muster/Courrier basé sur des coups liftés mais puissants et donc qui ont une certaine sécurité grâce au lift. Mais, cette sécurité donnée par le lift est en partie annulée à cause de la prise de risque entraîné par la puissance. Apparemment, il y a un consensus (puisque tous les joueurs choisissent ce type de jeu) pour penser que ce type de jeu, avec la puissance de plus en plus grande des joueurs, semble le compromis idéal entre puissance et sécurité. Mais en réalité, c'est un sous optimum. La réalité du fait que c'est un sous-optimum est cachée par le fait qu'il n'y a personne pratiquant le tennis optimum, qui, en surclassant les autres, montrerait l'infériorité de cette façon de jouer.

C'est un sous-optimum parce que ce compromis entre puissance et sécurité peut être surclassé par un jeu à la Lendl. Face à un jeu type Lendl, ce genre de jeu ne serait pas assez puissant pour conclure ou pour amener la conclusion, mais ne serait pas non plus assez régulier pour gagner l'échange à l'usure (le premier qui fait la faute). Pas assez puissant parce que ces joueurs impriment du lift même dans leur accélération. Le problème du lift, c'est que ça ralentit la balle sur un coup terminal par rapport à un coup plat. Donc, les accélérations de ces joueurs sont rarement définitives (ce qui donne, contre des joueurs de même type, la fausse impression que les coups ne peuvent plus être définitifs parce que le joueurs sont devenus trop rapides et trop bons, alors que ce n'est pas le cas). Il faut s'y reprendre à plusieurs fois pour conclure. Sur terre battue, ou il est possible de neutraliser l'avantage d'une accélération si elle n'est pas définitive, ce genre de limitation est un très gros désavantage.

Le problème est que ces joueurs font des accélérations de ce type tous le temps (la différence entre leurs coups terminaux et leur coups de fond de court normaux n'est pas très grande). Du coup, leur sécurité par rapport au filet est beaucoup plus faible que celle d'un joueur jouant plus lent et plus haut. Or, un joueur comme Lendl, lorsqu'il était à son meilleur, développait un jeu à la fois très sécurisé (balles hautes, longues, lentes et liftées la plupart du temps, sur lesquelles il est très difficile d'attaquer), mais aussi plus puissant dans ses accélérations.

Donc, face à un Lendl, un joueur type Courrier accumulerait les fautes non provoquées (au bout de trois échanges rapides mais non définitifs à 70 cm du filet, le joueur a de fortes chances de faire une faute, tandis qu'un joueur qui fait des balles passant à 2m50 du filet a beaucoup moins de risques que ça arrive), ferait des accélérations souvent non définitives n'ayant été que des risques inutiles, et se feraient transpercer assez souvent par des accélérations véritablement puissantes sorties au bon moment (une accélération plate à mi-court sur une balle courte fait véritablement mal).

Mais, face à un jeu d'usure type Wilander, est-ce que ce genre de joueur serait supérieur ? Pas sur. Il n'y a plus de joueur de ce type. Donc, impossible de vérifier cette assertion. Mais, le problème de la puissance non décisive contre des joueurs type Lendl est valable là aussi en partie. Et le problème de l'impossibilité de gagner l'échange à l'usure serait clairement présent.

Et ces joueurs entre eux, qu'est que cela donne alors ? A quel type de match assiste-t-on depuis les années 90 et quel type de joueur arrive à dominer ? (curieusement, c'est peut-être quand les joueurs sont fatigués qu'ils relèvent la balle pour s'économiser qu'ils jouent mieux)

Ils ont tendance à ne pas accélérer judicieusement. Un joueur type Lendl attend le bon moment pour attaquer. Il sait que la fenêtre pour attaquer est réduite. Tandis qu'un joueur type Courier, lui attaque plus ou moins tout le temps pour un oui ou pour un non. C'est dans la logique de ce jeu. Puisqu'il faut être puissant, il faut faire la différence sur la puissance et on cherche à se créer les occasions en accélérant. Donc, l'accélération n'est pas une conclusion, comme dans le jeu type Lendl, mais une ouverture vers la conclusion. Conclusion qui peut ne pas se faire sur le coup suivant, mais sur le coup encore après (et encore, il se peut que le coup n'ait pas été suffisamment efficace et qu'il faille se créer une nouvelle ouverture). Donc, pour arriver à la conclusion, il faut faire plusieurs coups (2 ou 3) très risqués. Et la prise de risque initiale peut se faire (puisqu'il faut conclure rapidement, les coups normaux étant déjà eux-même assez risqués) sur une balle qui n'est pas spécialement favorable. Sur une surface synthétique, ce jeux peux payer, mais sur terre-battue, beaucoup moins et le joueur qui relève un peu la balle tient beaucoup mieux l'échange face à un joueur qui ne le fait pas.

Même si le lift aide pour ne pas faire d'erreurs trop grossières, c'est un jeu très risqué. D'ailleurs, les échanges entre deux joueurs de ce type ne sont que rarement longs. Et ils raccourcissent rapidement au fur et à mesure de la fatigue des joueurs (ce qui est normal, mais ici, ça les fait raccourcir de façon importante). Raccourcissement des échanges pouvant venir d'un joueur qui se met à rater beaucoup et pas toujours des deux qui font n'importe quoi ensembles. A contrario, souvent, lorsque le match dure, et que les joueurs sont très fatigués, étant obligés de s'économiser, ils relèvent la balle, ils frappent un peu moins et du coup, les échanges redeviennent plus long et plus intéressants. Donc, on a souvent du long/court/long avec deux joueurs comme ça dans un match.

Sur surface synthétiques, deux joueurs de ce type donnent un jeu très chaotique. Un joueur qui a été un peu déplacé par une balle rapide, au lieu de relever la balle, comme au bon vieux temps du tennis de défense, va au contraire l'accélérer. Sur terre-battue, on a un peu moins cette impression, mais, au final, ça reste chaotique et très peu construit..

Au final, les cogneurs/lifteurs sont rois à Roland-Garros, puisqu'il n'y a plus qu'eux, mais chaque année, celui qui gagne en final, est celui qui a fait preuve, au moins pendant une partie du match, de plus de patience que son adversaire et relevant un peu les balles et qui a un coup d'attaque plus percutant parce que moins lifté. Et cette année, ce sera encore pareil.

Ce n'est peut-être pas un hasard si Muster a gagné Roland-Garros en 1995, à la fin de sa carrière. Peut-être qu'alors (je n'ai pas vu le match), n'étant plus aussi résistant physiquement qu'avant, il été obligé d'être un peu plus patient, moins cogneur. Et, si je me souviens bien, Chang, son adversaire en final, commençait, à cette époque-là, à cogner plus fort pour être meilleur sur les surfaces synthétiques.

On peut faire le tableau suivant

Cogneur contre cogneur avec aucun coup non lifté, le plus patient gagne
Cogneur contre cogneur avec un qui a un coup non lifté, le plus patient gagne, et si les deux sont patients, celui qui a le plus puissant coup gagne
Cogneur contre cogneur, celui qui utilise souvent le revers coupé (quelque soit sa patience et la puissance de son coup-droit) perd.