L'enseignement des erreurs des champions


Certains champions ont eu un grand coup, puis, l'ont modifié ou ne l'ont plus utilisé. Ceci a dégradé la qualité de leur jeux.

Je traiterais de trois exemples : Lendl, Wilander et Becker. Les deux premiers sont assez emblématiques d'évolutions techniques a ne pas choisir au plus haut niveau : l'abandon d'un revers lifté pour un revers coupé, l'abandon du revers plat, l'abandon d'un jeu traditionnellement de fond de court pour un jeu d'attaque, l'abandon d'un service plat pour un service slicé. Donc, d'une façon général, l'abandon d'un coup fort.


Lendl

Lendl a connu plusieurs évolution de son jeux durant sa carrière. Au départ, son jeu était en grande partie copié sur celui de Borg : très grande régularité, grand coup droit, grand service, très bon revers lifté.

En 1982, première évolution. Lendl n'a plus la patience pour un jeu à la Borg. Il accélère de plus en plus son jeu qui devient de moins en moins régulier. Ses résultats à Roland-Garros s'en ressentent. Il perd un première fois en huitième de final en 1982, puis en 1983 en quart de final. A chaque fois, c'est contre le futur vainqueur du tournois (Wilander en 82, Noah en 93). Mais tout de même.

En 1984, il décide de se reprendre et d'être à nouveau patient. Il gagne Roland Garros en battant Wilander assez facilement en demi-final.

Mais en 1985, il fait un changement technique en privilégiant le revers coupé au lieu du revers lifté. Il parvient en final, mais Wilander le bat relativement facilement (malgré un match en 4 sets). A partir de 1985, il alternera les phases ou il privilégiera le revers coupé et ou il n'arrivera pas a gagner à Roland-Garros et les phases ou il privilégiera le revers lifté et il gagnera.

Entre 1986 et 1987, il décide à nouveau de faire les efforts nécessaires pour être régulier. Il abandonne le revers coupé et gagne Roland-Garros en 1986 et 1987, avec, pour 1987, un match fantastique contre Wilander en final : un match presque parfait.

Puis, en 1988, il recommence à couper son revers. Son jeu perd à nouveau de la puissance et de la régularité. Il perd en quart de finale. A partir de 1988, il ne reviendra plus à son jeu avec revers lifté et il ne gagnera plus Roland-Garros. La raison de ce choix vient en partie du fait que Lendl n'est plus intéressé que par Wimbledon et essaye de transformer son jeu pour le rendre plus offensif.

En 1989, il perd contre Chang (futur vainqueur du tournoi) en huitième de final.

En 1990 et 1991, il ne joue pas.

Ainsi, il y a une corrélation nette entre le choix de Lendl de privilégier un revers coupé et une baisse du niveau de son jeu. Il est donc clair que Le choix d'un revers coupé au plus au niveau par rapport à un revers lifté est mauvais. Ceci vient du fait que le revers coupé est moins puissant que le revers lifté, rebondit moins loin (à puissance égale) et a une sécurité moins grande que le revers lifté. Bref, trois éléments moins bons que le revers lifté ; ce qui fait beaucoup. L'usage du revers coupé, dès lors, ne peut conduire qu'à une grande baisse de la qualité du jeu d'un champion. C'est une solution de facilité parce que le revers lifté demande une plus grande implication physique et éventuellement, un meilleur placement. Mais, à terme, le jeu devient moins bon. Un joueur de fond de court qui choisit cette option ne peut que faire baisser son niveau de jeu.

En tout état de cause, Lendl a sûrement perdu plusieurs tournois du grand chelem à cause de ses errements techniques : la finale de 1985 de Roland-Garros, qu'il aurait du gagner (puisqu'il était supérieur à Wilander : un jeu simplement régulier ne pouvant lutter contre un jeu tout aussi régulier mais avec un grand coup-droit et un grand revers), mais aussi au moins une des finales de l'US open de 1982 ou de 1983, par manque de patience, face à Connors. Plus quelques Open d'Australie.

 

Wilander

Wilander, lui, a connu un premier changement très rapide. Il perce en 1982 avec un jeu de fond de court lifté. Un de ses coups fort est le revers à deux mains d'attaque plat. Mais, en 1983, il perd déjà ce coup qu'il ne retrouvera pas par la suite. Son niveau de jeu s'en ressent aussitôt. Il n'a plus aucun coup lui permettant d'attaquer très puissamment (son coup-droit n'étant pas très puissant). Il perd ainsi en final de Roland-Garros en 1983 face à Noah, puis en 1984 en demi-final face à Lendl.

En 1985, Il gagne Roland-Garros face à Lendl, toutefois, Lendl, à cette époque, coupe son revers. Ce qui prouve qu'un jeux lifté des deux cotés même peu puissant, est supérieur à un jeu avec un coup-droit puissant mais avec un revers coupé.

Il perd en 1986 en demi-final face à Lendl, puis en 1987 face au même Lendl en final. Ce match de final de 1987 est LE match de terre battu exemplaire. Cette fois, Lendl n'utilise plus son revers coupé, et logiquement, un jeu régulier avec un coup-droit puissant, un service puissant et un revers lifté est supérieur à un jeu simplement régulier sans coup puissant.

Wilander gagne encore une fois un 1988, mais c'est face à Leconte qui accumule les fautes, pas face à ce qu'on pourrait appeler un grand joueur de terre battue.

Durant cette année 1988, il atteint son apogée et gagne également l'open d'Australie (sur surface synthétique) et l'us open. Performance extraordinaire, mais est-ce du à une supériorité technique nouvelle ? On a vu ce qu'il fallait penser pour Roland-Garos, ou on peux dire que Wilander a eu de la chance. Pour l'US open aussi, on peux dire qu'il a eu de la chance en battant un Lendl ayant à nouveau abandonné son revers lifté (donc, là aussi, on constate qu'un jeu régulier lifté des deux cotés est plus fort qu'un jeu avec un grand coup-droit et un revers coupé).

Toutefois, il est vrai que Wilander, durant cette année 1988, a progressé. Son jeu a gagné en puissance tout en gardant une excellent régularité. Il ne possède toujours pas de coup fort, mais son jeu est plus puissant dans tous les secteurs. Enfin, il va beaucoup plus vers le filet pour finir ses points, exploitant ainsi beaucoup mieux ses attaques de coup-droit ou de revers. Il utilise de temps à autre un revers coupé, mais sans en abuser. Il utilise principalement un revers lifté.

Bizarrement, après avoir son apogée, immédiatement après, l'année suivante, en 1989, c'est l'effondrement pour Wilander et la fin de sa carrière rapide. La motivation n'y est plus. Il se fait battre en quart de final de Roland-Garros 1989 par Chesnokov en trois set (6/4 6/0 7/5). Ce qui est logique, puisque son jeu est de plus en plus tourné vers l'attaque. Pourtant, il n'a que 24 ans.

Le cas Wilander est un peu spécial puisque, malgré des faiblesses, il a réussi à acquérir un bon palmarès, mais, à mon avis, il y a une part de chance dans celui-ci. Quoiqu'il en soit, Wilander, en perdant son revers offensif en 1983 à clairement limité sa carrière. Il est passé d'un niveau de grand champion de terre battue, à celui de simple grand joueur. Même en conservant ce revers d'attaque, il aurait été, de toute manière, le second de Lendl à Roland-Garros, puisque celui-ci avait un jeu tout aussi régulier, mais plus puissant à tous les niveaux : un très grand coup-droit (plus maniable qu'un revers d'attaque à deux mains) et un grand service rendait le jeu de Lendl supérieur au sien. Et en ne l'ayant plus, il restait le second de Lendl à Roland-Garros parce qu'il n'y avait personne, en dessous, pour venir menacer les deux champions dans leur égémonie. Mais il aurait pu gagner Roland-Garros face à Noah en 1983. Et il aurait pu améliorer ses performances à l'US open.

Mes analyses peuvent poser question. L'exemple de Steffy Graff montre qu'on peut avoir un revers coupé et être numéro un mondiale. Mais, c'était vrai dans le cadre du tennis féminin, qui est spécial.

 

Becker

 

Becker a commencé sa carrière avec un service terrible, incroyablement puissant. Mais, au cours des années, il a fait évoluer ce service en lui donnant plus de slice. De plus, il s'est mis a s'engagé un peu moins physiquement. Du coup, il a perdu un petite partie de sa puissance, ce qui a suffit pour rendre son service ordinaire parmi celui des grands serveurs.

Il a connu d'autres petites évolutions assez légères, mais qui ont petit à petit diminué la qualité de son jeu.

Ainsi, à l'instar de Lendl, alors qu'au début de sa carrière, il utilisait exclusivement un revers lifté ou plat très puissant, il a de plus en plus utilisé son revers coupé au détriment de son revers lifté, annulant l'effet de ses autres coups puissants. En effet, le risque pris sur un coup-droit puissant est prit en pur perte s'il n'est pas décisif et que, sur le coup suivant, la déstabilisation provoquée par ce coup puissant est annulée par un coup beaucoup moins puissant. D'ailleurs, le lift de son revers est devenu moins percutant, plus statique.

Son coup-droit, lui est passé d'un coup très puissant et souvent frappé à plat pour venir au filet à un coup plus statique et moins puissant et, de surcroît, utilisé toujours plus ou moins en lift, même pour venir au filet. D'ailleurs, le lift qu'il utilisait pour trouver des angles incroyables en attaque ou en défense, est devenu plus banal (surtout long). Son coup-droit a donc lui aussi perdu de l'impact, même s'il est resté un coup fort.

Enfin, il également perdu une partie de sa puissance au filet, où, alors qu'il alternait, au début de sa carrière, des coups assez coupés et des coups puissants, il a utilisé de plus en plus les coups coupés.

Bref, Becker, par ses légères variations dans son jeu, a progressivement diminué son niveau. C'est la raison principale pour laquelle il n'a pas remporté plus de tournois du grand chelem alors qu'il aurait pu avoir un palmarès aussi bon que celui de Lendl ou Connors, voir supérieur (seulement 5 grands chelem : 3 Wimbledon, 1 Australie et un US-open). Il aurait du gagner beaucoup plus à l'US-open et en Australie.