Considérations sur l'enseignement du tennis

 

L'enseignement du tennis actuellement en France est totalement lamentable, il faut bien le dire. Le livre "Mac Enroe est-il génial" a été le premier à critiquer l'enseignement du tennis en France. Comme le dit ce livre, les années 70 ont été les années du laisser-faire en matière de tennis. Etat de fait qui a été favorisé par les critiques nombreuses envers les principes techniques rigides qu'avait voulu imposer la FFT quelques années plus tot dans son manuel officiel "la methode française". Du coup, le principe général qui a prévalu durant les années 70 jusqu'au milieu des années 80 fut qu'il ne fallait pas imposer de technique au joueur parce qu'on pouvait gacher un talent en l'obligeant à jouer d'une façon qu'il n'aurait pas sentie. Mais en quoi pouvait consister l'enseignement, s'il n'y avait plus aucun principe technique à enseigner ? En pas grand chose forcément. Heureusement, une methode américaine vint pour pallier le manque de contenu théorique de l'enseignement du tennis. La méthode Hopman. L'idée était qu'il fallait frapper, frapper, et frapper encore des milliers de balle, et qu'au bout d'un certain temps, le joueur finirait par être bon. Cette conception de l'enseignement s'est répandu comme une trainée de poudre et rapidement, les cours de tennis n'ont plus consisté qu'en des séries d'exercices sans aucune analyse : une série de coup-droit, une série de revers, une série de service et de retour, une série de volées, et à la semaine prochaine.

Toutefois, je pense que l'analyse de Roger-Vasselin et Cristophe de Raissac n'est pas complète. S'il est vrai que la méthode Hoppman est devenue l'essentiel des cours, il fallait tout de même qu'au niveau des débutants jusqu'aux classés 30, les professeurs donnent quelques conseils techniques sous peine de paraitre totalement ridicules. L'enseignement technique ne se résumait donc pas à rien. Mais, il aurait certainement mieux valu qu'il en soit ainsi, parce que les conseils techniques prodigués étaient, comme on va le voir, fait pour stopper le joueur dans sa progression, et même, le faire régresser lorsqu'il avait obtenu un niveau disons, de bon non classé.

Il y a eu comme un mot d'ordre général tiré des principes techniques erronés de l'époque. Des principes techniques qui se retrouvaient plus ou moins chez la plupart des enseignants. Car il y avait quand même un discours technique qui persistait. Les idées étaient rudimentaires, les principes peut nombreux et peu construits, mais il y en avait : débat sur la boucle (mauvais sur les balles hautes car impossible à faire dessus), sur le lift, etc... Dans l'enseignement de tous les jours, l'enseignement à la base, il y avait les idées qu'il fallait observer la balle le plus possible, qu'il fallait adapter la vitesse de balle à son niveau et à sa vitesse de déplacement, donc, qu'il ne fallait surtout pas jouer trop vite, et même jouer hyper lentement. Au niveau des prises, il n'y avait aucun conseil de prodigué. Au niveau du placement des pieds, quelques conseils très basiques.

Il n'y avait pas des milliers de principes, et la méthode Hopman représentait 99,99 % des cours. Mais les 0,01% restant, parce qu'ils représentaient une part faible du cours avaient un impact d'autant plus grand. Une chose que j'ai relativement souvent entendue, c'est l'idée qu'il ne fallait pas joueur trop vite sauf si on possédait un jeu de jambes en rapport. Il fallait s'appliquer ; il fallait se concentrer sur la balle, essayer de voir la balle jusqu'au dernier moment. Cette espèce de nébuleuse de conseils allait à peu près dans le même sens que ce soit volontaire ou non : il ne fallait pas jouer vite. Si on y arrivait par ailleurs avec succès, les professeurs ne disaient rien. Mais si on n'y arrivait pas, le conseil était de ralentir. Résultat, d'emblée on bloquait la progression potentielle de l'élève.

Un des gros défauts, qui est un peu du même genre mais différent tout de même, qu'on retrouve régulièrement à presque tous les niveaux de l'enseignement (livres, ou cours avec un prof de club), c'est que le prof laisse croire qu'un faible engagement physique est possible dans le tennis. Comme le prof à un bon coup d'oeil, une bonne technique de jeu de jambe, une bonne précision de balle et qu'il maitrise bien la volée, il lui suffit, dans l'échange de faire quelques coups lents mais précis pour mettre le débutant ou le joueur moyen en difficulté, puis, de monter à la volée sur le revers de l'élève. Et comme le joueur moyen maitrise mal les passing-shot, il se fait en général avoir, surtout s'il doit courir un peu. Le jeu de volée bien maitrisé, face à un joueur moyen, entraine une supériorité énorme à cause de la faiblesse en passing des joueurs. Du coup, le prof laisse croire qu'on peut être cool et maitriser le jeu simplement en étant précis et en ayant un bon coup d'oeil. Ce genre de victoire facile lui permet d'imposer l'idée qu'il faut surtout maitriser la tactique et la précision, alors qu'à un niveau 15/5, c'est complètement insuffisant. Une petite montée lente mais précise c'est n'est pas le genre de chose qui permet de gagner à ce niveau là. En tout cas, ça donne une vision complètement faussée de la technique et ça empèche le joueur de progesser puisqu'il ne cherchera pas à accélérer son jeu.

Plus généralement, le prof ne donne quasiment jamais d'exemple d'emploi de ses muscles et de la recherche de vitesse dans le coup (sauf éventuellement au service). C'est une constante chez les prof. Résultat, les élèves n'ayant jamais cet exemple sous les yeux, finissent pas imaginer que ça ne se fait pas et que c'est réservé aux champions qui ont des objectifs de puissance n'ayant rien à voir avec le commun des mortels. A la limite, on finit par le leur retirer de l'imagination. Alors que l'élève arrive éventuellement avec en tête les images des champions s'impliquant à fond physiquement, et ayant envie de reproduire cette implication physique, on lui ôte de l'idée petit à petit (par la théorie : on lui dit que ce n'est pas nécessaire, que ce n'est pas de son niveau, que ça s'aquiert petit à petit, avec une lente gradation ; et par l'exemple).

L'enseignement du tennis doit être tourné vers l'acquisition d'une vitesse de balle de plus en plus grande. C'est ça qui doit être l'objectif. Or, actuellement, on cherche la plupart du temps (quand on cherche à faire quelque chose) à faire acquérir une précision ou une régularité plus grande en évitant très soigneusement de faire prendre plus de vitesse à la balle de l'élève. Se greffe là-dessus toutes les lubies liées à un prof en particulier (le plus souvent liée à son style de jeu et eventuellement, aux technique qu'il regrète de ne pas maîtriser). Il faut avoir une balle bien longue ; ne pas faire aller plus vite la balle que la vitesse du jeu de jambe qu'on peut développer ; ce genre de choses.

L'acquisition d'une grande vitesse de balle est une voie obligatoire pour arriver à la vérité technique. Tant qu'on reste à une vitesse faible, on peut conserver de gros défauts techniques. Dans le meilleur des cas, on arrivera à compenser. Sinon, on restera à un niveau très faible. Dès qu'on obtient conjointement la vérité technique et la vitesse, on monte à des niveaux très largement supérieurs (minimum 15/5 à mon avis). En fait, il n'y a pas vraiment de demi mesure dans le tennis ; soit on est très bon, soit on est très moyen. C'est vrai qu'il y a beaucoup de stades intermédiaires cela dit. Il y a des joueurs qui ne maîtrisent qu'une partie de la technique qui arrivent à être 15/5 15/4. C'est d'ailleurs intéressant de voir ces joueurs qui ne maîtrisent qu'une partie de la technique, ou qui sont arrivé à pousser la technique très faible qu'ils possèdent à ses limites. Mais pour passer à des niveaux de type 4/6, il faut, à mon avis, une maîtrise technique et une vitesse de balle telle que je les décris dans cet ouvrage.

Donc, en cherchant à limiter la vitesse du jeu des élèves, les professeurs limitent leur progression potentielle. Soit ils resteront avec des défauts techniques, soit il auront une bonne technique, les bons gestes. Mais les bons gestes, s'ils servent à faire des balles lentes ne servent à rien et celui qui a de bon gestes reste presque aussi mauvais que celui qui a des gestes moyens.

En obligeant l'élève à accélérer et en lui expliquant comment faire et les modifications que doivent entraîner la vitesse et la puissance dans sa technique, la progression peut être 10 fois plus rapide que ce qu'on arrive à faire maintenant. On devrait pouvoir amener un élève du niveau le plus à un niveau de 15/4 en seulement 4 ans, et certainement en encore moins de temps avec des élèves sportifs et talentueux et des professeurs pédagogues.

Cela dit, au début des années 2000, on est toujours au même niveau qu'au début des années 80 dans l'enseignement. Aucun progrès ne semble avoir été fait. On parle beaucoup de l'avènement et de la domination de la biomécanique, mais on n'en voit pas une trace dans l'enseignement, dans les livres techniques ou ailleurs. D'ailleurs, les livres de technique, il n'en parait presque plus en France. C'est devenu le désert quasi total. Il y a bien quelques livre sur l'entrainement physique, sur la préparation mentale, mais en dehors de ça, c'est le néant. Dans l'enseignement sur le terrain, aucune série de conseils clairs ne semble avoir été mise au point. On en est resté au série Hopman. C'est le désert intellectuel, et aucun enthousiasme ne semble exister pour l'animer sauf chez des gens comme François Lacaze ou moi-même.